
Tu es arrivé au seuil d’Oolretaw.
Ici, les frontières entre le réel et l’imaginaire se brouillent. Lorsque les lampadaires municipaux s’allument, la ville bascule dans un univers miroir aux reflets fantastiques. Les lieux se métamorphosent, et des événements inattendus surgissent.
Quand la nuit enveloppe cette ville des Cantons-de-l’Est, d’étranges phénomènes commencent à émerger…

L'inoubliable MOrtelle
Le temps est sombre. Le vent de fin novembre me glace le bout du nez alors que je marche sur le chemin du retour entre l’école et le salon funéraire Bessette, où ma mère travaille. Je suis supposée la rejoindre à 17 h à cet endroit après ma pratique de volley-ball, pour qu’elle puisse me ramener jusqu’à chez nous. Ma journée a été mouvementée : je me suis disputée avec mon professeur de maths, j’ai eu une mauvaise note en science — contrairement à mes habitudes — et j’ai manqué beaucoup de réceptions et d’attaques à la pratique que je viens de terminer.
Pendant que je pense à ma mauvaise journée, je reçois un message de ma mère disant qu’elle doit aller voir son fournisseur de fleurs pour un funéraire qui a lieu le lendemain. Elle m’écrit aussi de ne pas faire le saut, car un mort est exposé. Il était également écrit que je pouvais l’attendre dans son bureau, que la porte de devant serait barrée et que je devais entrer par la porte arrière. J’étais un peu frustrée : je n’avais pas prévu de finir ma journée à attendre ma mère à proximité d’un cadavre.
***
Lorsque j’arrive devant le salon funéraire, je m’arrête un instant pour observer le bâtiment. Il ressemble à une maison noircie par le temps. Les fenêtres ne sont plus aussi claires qu’elles l’étaient autrefois. Je me remets à marcher rapidement, car l’intensité du vent augmente de plus en plus. Arrivée derrière la demeure, je prends la clé que ma mère a laissée au-dessus du cadre de la porte. J’enlève mes mains gelées de mes poches et débarre la porte.
Une fois à l’intérieur, je dois traverser le grand corridor qui donne vue sur toutes les salles d’exposition pour arriver dans le bureau de ma mère. Je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant, mon ventre commence à me donner des coups : j’ai un mauvais pressentiment. Rendue à la moitié du corridor, quelque chose attire mon attention. Dans une salle d’exposition, il y a le cadavre dont ma mère m’a parlé plus tôt, exposé dans un cercueil de couleur rouge foncé. À proximité, déposée sur une table de chevet, une petite lumière vacille.
Je me rapproche. Lorsque j’arrive plus près de la morte, je me fige sur place. La vieille femme est pourtant comme tous les autres cadavres que j’ai vus auparavant dans les funérailles : cheveux courts et gris, rouge à lèvres rouge pétant, habit noir... tout est habituel.
Sauf son sourire.
Aucun décédé n’est exposé avec le sourire.
Jamais.
Mais cette morte-ci me sourit à pleines dents. Mes jambes sont molles, mes mains deviennent blanches, et mon souffle se coupe. Je reste là, silencieuse, au-dessus d’un cadavre qui me sourit d’un air amusé. Je me raisonne alors : je suis vraiment une gamine d’avoir peur d’une chose aussi ridicule. C’est sûrement juste la famille de la défunte qui a demandé qu’elle soit exposée avec un sourire.
***
Ça fait 15 minutes que j’attends ma mère dans son bureau à l’avant du salon funéraire. Le vent frappe sur les murs avec insistance, mais à part ça, tout est calme. Tout à coup, des bruits de pas se font entendre dans la résidence. Je suis seule, et je le sais.
Quelque chose ne va pas.
Mes jambes commencent à trembler comme du Jell-O, le rythme de mon cœur s’accélère, ma gorge se serre, mes yeux deviennent humides. J’arrête de respirer, l’espace d’un instant qui semble une éternité. Je me lève lentement de la chaise où j’étais assise pour faire mes devoirs. Silencieusement, je commence à me déplacer. Je passe le cadre de porte du bureau, marche vers la salle où les bruits de pas se sont manifestés quelques secondes plus tôt.
Le trajet est long. Tout mon corps est crispé, le sang ne circule plus, ma bouche serait incapable d’émettre un son. J’arrive devant l’ouverture de la salle d’exposition, là où la défunte était installée quelques minutes plus tôt.
Arrivée devant le cercueil, je panique. Je ne sais plus s’il faut que je parte en courant ou que je reste encore immobile. Je ne sais plus rien. Ma tête est vide… et remplie de questions tout à la fois. Je suis prise de panique. L’eau coule de mes yeux, mes mains tremblent.
Le cercueil est vide.
Texte de Noémie Côté
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Prochaine histoire :

À venir bientôt...
Le conteur Paul Bradley a animé des ateliers dans les cours de français de 4e secondaire à l’école secondaire Wilfrid-Léger. Avec l’aide de leur professeur, les élèves ont rédigé des textes et réalisé des enregistrements qui, peu à peu, ont fait émerger un Waterloo secret et fictionnel : Oolretaw!
Quand la nuit enveloppe cette ville des Cantons-de-l’Est, d’étranges phénomènes commencent à émerger…
Ce projet est rendu possible grâce à l’apport de la Ville de Waterloo, de l’école secondaire Wilfrid-Léger et Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs.
