
Tu es arrivé au seuil d’Oolretaw.
Ici, les frontières entre le réel et l’imaginaire se brouillent. Lorsque les lampadaires municipaux s’allument, la ville bascule dans un univers miroir aux reflets fantastiques. Les lieux se métamorphosent, et des événements inattendus surgissent.
Quand la nuit enveloppe cette ville des Cantons-de-l’Est, d’étranges phénomènes commencent à émerger…

Le ballon rose
C’était une belle journée, le soleil masqué par les nuages se couchait tranquillement. Il était près de cinq heures trente. La classe de madame Caroline commençait à arriver. La douce pluie dehors n’empêchait guère la bonne humeur de tout le monde. La classe de cinquième adorait madame Caroline, elle portait cette douceur qu’on ressentait dans ses paroles. On la décrivait souvent comme un doux soleil d’été à cause de ses fins cheveux courts qui miroitaient depuis les fenêtres. Elle avait une très belle classe cette année, ses élèves étaient remplis d’énergie et de gentillesse. Voulant les récompenser, elle organisa une Nuit à l’école remplie d’activités et de futurs souvenirs pour ses élèves.
Si elle savait ce qui m’est arrivée cette nuit-là...
Même si j’avais voté pour une autre activité, j’étais bien contente de me rendre à l’école ce vendredi-là pour la soirée pyjama avec ma classe. Je suis arrivée un petit peu en retard, je ne savais pas quoi mettre dans mon sac pour avoir des options qui concordent avec mes pantoufles. Heureusement ma grande amie Juliette avait gardé une place pour mon matelas à ses côtés, en dessous de la grande table. Tout le monde était excité. L’énergie débordait de la classe mais sans folie. Personne ne voulait briser la confiance de madame Caroline, surtout pas moi. J’aime et respecte tout le monde car c’est ce que j’attends en retour. Juliette me demanda de passer la couverture par-dessus la table avec mes longs bras de girafe. Notre cabane était vraiment réussie !
Soudain, je ressentis un frison dans tout mon corps, comme un pressentiment, un avertissement. Juliette remarquant mon malaise me demanda ce qui me tracassait. J’ai balayé l’air du revers de la main avant de changer de sujet. On avait commencé à manger mes bonbons à la mangue quand elle me montra une surprise. Juliette me donna un pyjama identique au sien pour qu’on soit jumelle. J’ai souris pour lui faire plaisir… mais les rayures n’allaient vraiment pas avec mes pantoufles.
Les filles se dirigeaient vers la salle de bain pour enfiler leur pyjama et brosser leurs dents avant que les activités ne commencent. Les discussions diverses de tout genre se faisaient aller quand tout d’un coup Lucie posa la question : « Ça ne vous inquiète pas de dormir à l’école avec la rumeur de l’estrade »? Certaines se mirent à rire, d’autres tombèrent pensives, encore cette rumeur, je me dis. Cette histoire de fantômes que les sixièmes s’amusent à raconter pour effrayer les plus jeunes, simplement pour leur donner la chair de poule. On raconte qu’auparavant, lorsqu’un élève était malveillant, on l’enfermait en dessous de l’estrade qui se trouve au fond du vieux gymnase. Il y avait une petite porte d’accès sur le côté de la scène. On disait qu’une jeune fille aurait été oubliée et qu’elle serait décédée dans ce trou. Depuis ce jour, sa colère hante la scène. Je me dis que c’était absurde.
Les activités étaient vraiment amusantes, mais tout le monde attendait impatiemment la partie de cache-cache. Madame Caroline établit les règles : tout le monde doit avoir sa lampe frontale en tout temps, personne ne va dans la deuxième partie de l’école et si après dix minutes tu n’es pas retrouvé, tu dois crier. Tout le monde partit en courant, réfléchissant à la meilleure cachette possible. Moi et Juliette nous dirigeons vers la partie ouest de l’école, on se dit que si on allait à la limite, personne n’oserait s’y aventurer. Nous avions raison, dix minutes s’écoulèrent et nous étions toujours cachées. On sortit de notre cachette pour retourner à la classe quand une envie me pris. Je préviens Juliette que je vais me rendre aux toilettes du gymnase. Même si madame Caroline l’avait interdit, elle n’en saurait rien.
En rentrant dans le gymnase, j’aperçus, sur l’estrade, mon beau ballon rose que j’avais perdu la semaine dernière. J’ai émis un cri de joie avant de monter sur la scène le récupérer. En me relevant, j’entendis un grincement venant du côté de l’estrade, la petite porte était ouverte. Tranquillement, je m’approchais de l’entrée et jetais un coup d’œil. C’était sombre, très sombre, trop sombre comme si le trou était rempli de brouillard. Pour une raison que j’ignorais, le silence m’appelait. Sans m’en rendre compte, je me dirigeai vers le trou sous l’estrade. Ça descendait longtemps et la pente était à pic. Tout d’un coup, je sentis la présence de quelqu’un d’autre. Un frisson de peur me parcouru le corps, des orteils à la racine des cheveux.
Elle était là, je le savais.
Les ailes du temps avancèrent. Je n’avais aucune idée de la durée passée là-dessous. Incapable de bouger, j’attendais. Je ressentais la colère et la frustration dans le brouillard, je me suis mise à crier de toutes mes forces. Lorsque ma voix s’éteignit, elle cria à son tour. Le brouillard s’éparpillait, le cri augmentait de plus en plus fort me poussant vers la sortie. Puis soudainement, le silence. Je me mis à retomber à toute vitesse, pendant ce qui me paraissait, plusieurs heures.
En sursaut, je me réveille dans mon matelas, je me relève d’un bond. Tous les élèves de la classe dorment malgré le soleil qui se lève tranquillement. Rassurée, j’allais me recoucher quand j’aperçus, posé à côté de Juliette, mon ballon rose.
Texte de Marilou Ferland
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Prochaine histoire :


Le pont de l'emprisonnement
Le conteur Paul Bradley a animé des ateliers dans les cours de français de 4e secondaire à l’école secondaire Wilfrid-Léger. Avec l’aide de leur professeur, les élèves ont rédigé des textes et réalisé des enregistrements qui, peu à peu, ont fait émerger un Waterloo secret et fictionnel : Oolretaw!
Quand la nuit enveloppe cette ville des Cantons-de-l’Est, d’étranges phénomènes commencent à émerger…
Ce projet est rendu possible grâce à l’apport de la Ville de Waterloo, de l’école secondaire Wilfrid-Léger et Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs.